Difficultés dans le graphisme et l'écriture

"Le développement psychomoteur de l'enfant est sans doute l'assise essentielle du développement de l'écriture"

J. de Ajuriaguerra



Que se cache-t-il derrière une difficulté à apprendre à écrire : un excès tonique ou au contraire un manque de force ? Une difficulté gestuelle ? Une motricité fine à soutenir ? Un défaut dans la perception spatiale ? Le tout renforcé par un sentiment d'échec ?...

C'est parce que les raisons sont diverses que le psychomotricien, par sa formation sur tous ces aspects et son approche globale, peut soutenir au mieux l'apprentissage de l'écriture (voir le décret ministériel qui définit le champ de compétence du psychomotricien, fin du n° 3).  Rééduquer exclusivement l'écriture d'un enfant qui a, par exemples, des difficultés visuo-constructives ou praxiques n'est pas efficace faute de traiter la cause de la difficulté.

 

Au fur et à mesure de sa scolarité, l'école demande à l'enfant d'écrire plus et plus vite... n'attendez pas !

 

Pour que l'apprentissage de l'écriture se fasse bien, comme pour tous les apprentissages, il faut un accord entre le pouvoir-faire (équipement), le savoir-faire (apprentissage) et le vouloir-faire (désir). En cas de difficultés, la psychomotricité soutient, en fonction des besoins, l'un ou l'autre de ces aspects.

La difficulté d'écriture prend une place importante à l'école ; l'enfant peut aller jusqu'à la perte de l'envie d'écrire et à la perte de confiance en lui. Elle peut apparaître dès la grande section de maternelle et se fait plus vive en CP ; il est alors bon de la prendre sans tarder en charge, avant que n'augmentent les exigences de lisibilité et de rapidité.

Dans les troubles de l'écriture sont souvent mis en avant l'un ou l'autre des éléments suivants : la douleur, la lenteur, le refus, le fait d'écrire en miroir, la qualité de l'écrit : illisible, trop gros, brouillon et un manque d'organisation qui peut être dû à des difficultés de repérage spatial.

Les causes peuvent en être multiples et le trouble de l'écriture peut être le retentissement d'une autre difficulté ou un symptôme premier.

L'évolution de l'acte graphomoteur (motricité appliquée à l'écriture) suit l'évolution des capacités de l'enfant. Il commence très tôt sous forme de gribouillage, de trace, de dessin et se prolonge par l'écriture. L'acquisition de l'écriture se fait dans un contexte de développement neurologique, sensori-moteur, cognitif et psychoaffectif. Elle va donc passer par différentes phases d'évolution et suppose un certain nombre de prérequis.

 

1. Prérequis moteurs

L'écriture est une praxie fine (c'est-à-dire un mouvement volontaire finalisé précis).

Elle n'engage pas que de la main : on écrit avec tout son corps en partant des appuis au sol, de la tenue du buste jusqu'au mouvement du bras : l'acte graphomoteur est le prolongement psychomoteur de la motricité fine, il combine des mouvements du bras jusqu'aux doigts qui se feront de plus en plus fins (mouvements du bras et de l'avant bras, translation du coude, mouvements du poignets, flexion et extension des doigts...) ; il suppose des capacités motrices mais aussi des capacités de perception kinesthésique et de repérage spatio-temporel.

La régulation tonique, en lien directe avec la maturation neurologique, est très importante ; elle permet que le mouvement des doigts soit de plus en plus souple et délié, avec une participation plus faible du bras. elle permet aussi progressivement une bonne tenue de l'axe.

L'écriture suppose aussi l'acquisition de la latéralité qui n'est pleinement faite qu'à 6 ans en raison de la maturation neurologique. Elle va permettre à l'enfant d'être plus habile d'une main.

 

2. Prérequis perceptivo-moteurs

L'acte d'écrire suppose une bonne intégrité des récepteurs sensoriels.

La coordination de l’œil et de la main joue un rôle essentiel dans l'écriture : l’œil suit la main, puis la guide et enfin ne fait plus que la contrôler quand la main a automatisé progressivement le mouvement grâce à la mémoire kinesthésique (mémoire du mouvement) et à la mise en place de schèmes moteurs. Il y a donc une question d'entraînement (mais pas seulement !) ; là encore, cette coordination s'installe progressivement, au fur et à mesure de la croissance de l'enfant.

Sur le plan perceptif, la vision permet de reconnaître et discriminer les lettres et les formes, d'ajuster son tracé entre les lignes, de bien fermer ses oves, de bien galber ses lettres, de maîtriser les arrêts et espacements, d'organiser la page, d'anticiper et de surveiller l'orthographe.

 

3. Prérequis cognitifs et symboliques

Ces prérequis sont concomitants aux prérequis moteurs mais ils sont plus complexes et plus essentiels car ils sont au centre des mécanismes de l'écriture.

Les gribouillages du jeune enfant, simples traces motrices, deviennent progressivement une représentation intellectuelle, symbolique et prennent le sens d'une communication.

Pour pouvoir parler puis écrire, il faut avoir acquis le symbolisme, puis il faut des capacités d'attention, de concentration et de mémoire pour être disponible à l'apprentissage.

L'écriture suppose également la structuration progressive de l'espace et du temps liée au schéma corporel : une lettre est en effet orientée, elle s'inscrit dans un espace donné (l'interligne) et la feuille elle-même est spatialement organisée (on écrit de gauche à droite et de haut en bas).

L'écrit est par ailleurs une succession de lettres dans un ordre chronologique à un rythme régulier (mots).

 

4. Prérequis psychoaffectifs

Pour apprendre à écrire, il faut aussi une maturité affective. Comme tous les apprentissages, celui de l'écriture suppose le respect des premières règles extraparentales de l'école : rester assis, être dans un certain espace, respecter des heures et des durées, copier les lettres selon un modèle donné... il s'appuie donc sur une bonne intégration de l'enfant à l'école. Entrent également en compte la motivation de l'enfant et son désir d'apprendre. Un bon environnement affectif est nécessaire c'est-à-dire un contexte familial soutenant et favorisant l'apprentissage.

 

Il est utile de s'arrêter un instant sur la posture et la conscience du corps comme des éléments importants de la graphomotricité.

Le corps prend facilement une mauvaise posture ce qui entraîne des douleurs. La prise en charge va aussi permettre à l'enfant de prendre conscience de sa posture pour la rectifier afin qu'elle soit plus confortable.

Le psychomotricien est par conséquent attentif à l'ensemble de la position de l'enfant. Cela concerne la place du corps par rapport à la chaise, celle de la chaise par rapport au bureau. Il faut aussi considérer la position de l'une et l'autre main et les différents appuis et ne pas oublier que c'est la feuille qui doit s'adapter au corps et non l'inverse.

Il veille particulièrement à la bonne position de la main qui écrit, à la tenue du crayon et à une bonne régulation tonique de l'ensemble qui se manifeste par la pression exercée, parfois trop faible, parfois trop forte : l'enfant doit apprendre à faire la différence entre léger et lent ou entre fort et rapide.

 

Suite à cette présentation, nous voyons mieux que les causes des troubles graphiques peuvent être multiples et venir de

- la dyspraxie, la dysgraphie,

- la maladresse,

- difficultés de coordination oculo-manuelle

- difficultés de dissociation des deux mains ou entre la main et le bras

- difficultés de régulation tonique

- la mauvaise tenue du crayon,

- la posture, l'installation,

- troubles visuels,

- troubles spatio-temporels

- inhibition ou hyperactivité

- difficultés de de concentration,

- refus scolaire ou de manque de motivation

- manque de confiance en soi et de sensibilité au regard de l'autre.

 

Là encore, le bilan est essentiel pour permettre une prise en charge adaptée.